dimanche 3 décembre 2006

Les poules préfèrent les cages

Extraits du livre bien-nommé d'Armand Farrachi, qui se moque ouvertement des conclusions "scientifiques" sur le bien-être animal... Délicieux, triste, mais délicieux.

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Après avoir étudié "de longues années", et (selon l'expression du magazine professionnel La France agricole) de façon "relativement sophistiquée", le comportement de plusieurs groupes de poules, des membres de cette communauté scientifique ont constaté qu'elles manifestaient en semi-liberté une tendance à l'agressivité et parfois au cannibalisme, alors qu'en cage elles se contentaient de s'arracher leurs propres plumes.
Les chercheurs, qui n'auront donc jamais trouvé de poules qu'en situation de conflit et en état de stress, en viendraient vite à éliminer d'office le facteur liberté pour se demander si elles n'éprouveraient pas un plus grand "bien-être" en captivité. Dans leur langage, il faut le savoir, "le bien-être d'un animal est jugé satifaisant s'il se sent en sécurité, n'éprouve pas de douleur, ne présente pas de symptôme d'ennui ou de frustration".

La comparaison impose l'évidence : les poules préfèrent les cages.

En exagérant à peine, la question ne serait donc même pas de se demander comment une poule parvient à survivre en si dure captivité, mais bien de prouver scientifiquement qu'entre la basse-cour et la batterie industrielle la poule préfère la cage. Il n'y aura bientôt plus lieu de s'étonner qu'à l'aube du XXIème siècle, dans une société "avancée", de haut niveau culturel, scientifique et technique, on se propose de prouver et d'imprimer, en toutes lettres, noir sur blanc, dans des publications officielles destinées à informer ou à convaincre, qu'un être vivant à qui la nature a donné des membres pour courir, des ailes pour voler, un bec pour picorer, lorsqu'il a le choix entre la liberté et la détention, préfère être incarcéré.

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Puisqu'il est donc possible de prouver que les poules préfèrent les cages, et aussi, précisions-le que les veaux préfèrent être enchaînés tout seuls dans l'obscurité (faute de quoi ils se piétinent), que les porcs préfèrent être garrottés dans l'ordure (sinon ils s'entre-dévorent), il y a tout lieu de croire que, en y mettant l'application nécessaire, on prouverait tout aussi bien que les otaries préfèrent les cirques, les orques les bassins, les poissons les bocaux, les lapins les clapiers ou les loups les enclos. Allons plus loin. Après des études convenablement menées et "relativement sophistiquées", certains n'iraient-ils pas jusqu'à prétendre que les Indiens préfèrent vivre dans des réserves, les juifs ou Tziganes dans des camps de concentration, que les Noirs préfèrent voyager dans la soute des navires, avec les fers aux pieds et un carcan au cou, ainsi qu'ils en administrent encore aujourd'hui la preuve en préférant s'entassser par dizaines dans des rafiots de fortune pour fuir des pays où, laissés en liberté et livrés à eux-mêmes, ils n'ont que trop tendance à s'entredéchirer ? Tel était en tout cas l'argument avancé par les esclavagistes du XIXème siècle : la servitude protégeait les nègres des guerres tribales, des mutilations rituelles et du cannibalisme, ce qui promouvait l'esclavage en mission "humanitaire", pour reprendre une des expressions les mieux portés aujourd'hui. (...)

Si les poules préfèrent les cages (on ne le soulignera jamais assez), on ne voit pas pourquoi les humains ne préfèreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu'ils retourneraient contre eux-mêmes. Il suffirait de leur expliquer éventuellement de leur prouver, qu'ils n'ont rien à espérer de mieux que les règles imposées par d'autres, et qu'il leur en cuirait bien davantage à vouloir les changer ou s'en affranchir.

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